Livereview: Rock'Oz Arènes

10. Août 2017, Avenches
Text & Pics by Alexandre P.

La 26ème édition du festival avenchois Rock’Oz Arènes restera dans les mémoires de ceux qui aiment le rock et le metal, notamment la soirée du jeudi dont l’affiche était particulièrement audacieuse pour un festival grand public. On pouvait en effet y apercevoir sur la grande scène rien de moins que No One Is Innocent, The Sisters of Mercy et Marilyn Manson. Enfin apercevoir c’est un grand mot pour les Sisters qui ont réussi l’exploit de reproduire l’épais brouillard nord vaudois sur scène.


No One Is Innocent
No One Is Innocent, pour reprendre par le début ce deuxième jour de festival, c’est un peu les Rage Against The Machine français dans le style et l’esprit. Une énorme énergie en live et des titres contestataires qui sont malheureusement toujours d’actualité. Pour ceux qui avaient vibré avec un morceau comme La Peau il y a presque un quart de siècle en arrière, c’est une chouette surprise de les retrouver en concert et de réentendre les classiques de l’époque. Le groupe a l’air content d’être là et envoie du bois comme des petits jeunes morts de faim. Kemar le chanteur profite d’un public majoritairement francophone pour pouvoir communiquer entre les morceaux. Pas sûr que le public des Sisters et du Pale Emperor soit conquis car musicalement c’est bien différent, mais en tous les cas, personne ne se sera plaint de cette solide prestation du groupe français.



The Sisters Of Mercy
Plus habitués aux clubs et à quelques festivals spécialisés, le groupe de Leeds a pour une fois droit aux honneurs d’une grande scène. Ce soir, il s’agit du premier concert d’une tournée européenne d’une vingtaine de dates, qui devrait permettre de répondre à plusieurs inconnues. Tout d’abord sur le matériel proposé car Andrew Eldricht annonçait des changements significatifs. Au final, il n’en sera rien. Comme depuis 10 ans déjà, ce sont donc Chris Catalyst et Ben Christo aux guitares qui accompagnent le leader des Sisters. La setlist a été pratiquement identique à celle de l’an passé et les versions des morceaux (i.e. plus rapides et plus metal que sur album) sont celles que l’on entend à chaque concert. Absolument aucune nouveauté.

L’autre inconnue de la soirée était de savoir si l’usuelle machine à fumigène allait suffire à recouvrir toute une grande scène d’un festival open air. Pour le plus grand malheur des photographes et d’une bonne partie du public, la réponse fut oui, sans problème !

22h30, les fumigènes tournent à plein régime et trois ombres lancent More puis Ribbons (exactement le même départ de concert qu’à Fri-son en mars 2016). On ne voit pratiquement rien comme d’habitude. Eux probablement non plus, car ils ont tous, même Ben, des lunettes noires sur les yeux. Ceux qui n’ont pas déjà vu les Sisters sont dubitatifs. Surtout que les écrans géants sur les deux côtés de la scène ne diffusent pas les images du concert, mais des extraits de cartoons, mangas ou de vieilles séries B.

Le groupe continue directement à piocher dans son dernier album Vision Thing (qui date quand même de 1990...) avec le désormais traditionnel medley Doctor Jeep / Detonation Boulevard.

Entre deux coups de stroboscope, on voit que Ben Christo sur la droite de la scène a un t-shirt Killswitch Engage et qu’Eldricht a abandonné le fluo pour un hoodie blanc flanqué du logo de son groupe, probablement pour s’assurer qu’on le reconnaisse backstage. Petite touche inédite, le bonhomme a une lampe de poche attachée au pantalon sans que l’on ne devine vraiment pourquoi.

Si le son sur les premiers morceaux est vraiment mauvais (depuis le pit en tous cas), cela s’améliorera heureusement assez vite. Et comme par miracle, la voix est bien distincte dans le mix.

Le groupe ne jouera finalement que trois de ses fameux morceaux jamais enregistrés : Arms, Summer et Crash And Burn, préférant se concentrer sur un répertoire plus connu. Il faut dire qu’une bonne partie du public est là pour Manson et découvre les Sisters pour la première fois.

On aura ainsi droit à tous les classiques : Alice, Marian, First And Last And Always, Dominion Mother Russia, Vision Thing, etc. Mis à part Jihad exhumée de l’album de The Sisterhood ou l’ancien A Rock And A Hard Place ressuscité, le matériel proposé ce soir n’a rien de particulier. Le groupe sortira très brièvement de scène pour revenir faire un rappel convenu conclu avec Temple Of Love et This Corrosion.

Eldricht semblait particulièrement en forme et content d’être là. Il était presque souriant et loquace (sans que l’on ne comprenne rien de ce qu’il a pu marmonner au public), peut-être parce qu’il pouvait fumer à sa guise vu que l’on était en plein air. Sur scène, il a fait preuve de pas mal de complicité avec Chris Catalyst et le public vers lequel il s’est longuement approché durant le rappel.

Malheureusement, le concert de Zeal & Ardor se chevauchait en bonne partie avec le set des Sisters, de telle sorte que je n’ai pu en voir que la fin. C’était suffisant pour regretter de ne pas en avoir vu plus. Ce mélange totalement inédit de metal et de negro spiritual est vraiment excellent et le groupe jouait divinement bien. Il est clair qu’on les reverra sur une grande scène d’ici peu.


Marilyn Manson
A l’évidence, le retour 12 ans plus tard à Avenches de Marilyn Manson était l’événement de la soirée. Les arènes sont remplies (7'500 personnes), malgré le fait que ce soit un jeudi soir, qu’il est minuit et demi et qu’il commence à faire drôlement froid.

Un énorme rideau cache la scène alors que la sono fait résonner The End le classique des Doors. Le public gronde un peu car il y a du retard. Le rideau s’ouvre enfin et on aperçoit un immense trône au milieu de la scène sur lequel est assis Manson. Le premier morceau est un extrait du prochain album dont la sortie a été repoussée à cet automne. C’est toujours appréciable d’avoir droit à ce genre de petite exclusivité.

Retour direct en terrain connu avec This Is The New Shit puis Mobscene, pour enfin voir le public se lâcher.

Le haut du front teint en bleu et le rouge à lèvres baveux, la bête elle ne sera restée assise qu’une petite minute avant de traverser la scène de long en large, slalomant entre ses musiciens. Le bonhomme fait moins peur qu’à l’époque où il s’infligeait volontairement des coupures sur le torse. Aujourd’hui, ce sont plutôt ses implants qui sont effrayants.

Musicalement, le concert est de toute bonne facture. Le son est vraiment bon, le groupe très à l’aise avec les morceaux, y compris les quatre très bonnes nouvelles chansons jouées ce soir. Au niveau visuel, c’est en revanche assez pauvre. Hormis l’imposant trône sur scène, il n’y a pas grand-chose à voir et même la pauvre déco locale, des petites licornes gonflables du festival, sera rapidement détruite à coup de micro-poing américain !

Manson lui-même sait admirablement bien faire le show et communique beaucoup avec les premiers rangs en s’avançant sur le petit promontoir devant la scène. Si cela paraît plutôt sympa de prime abord, cela devient vite lassant car cela s’éternise et surtout on est venu l’entendre chanter et non causer. Pour l’avoir vu de près depuis le pit, j’ai trouvé qu’il avait l’air bien entamé et un peu en mode pilotage automatique, d’où peut-être ses errances entre les morceaux.

Le moment fort de sa prestation fût sa reprise d’Eurythmics sur des échasses, ainsi qu’une solide version de The Beautiful People en fin de set.

Le rappel débute avec un des nouveaux titres, Say Ten joué de manière acoustique et la soirée se terminera à deux heures du matin après son Irresponsible Hate Anthem.

En conclusion, un bon concert, c’est-à-dire très bon par moments et très moyen par d’autres. Si le son était bien mixé, la voix de Manson est quand même aussi limitée que les décibels en Suisse. On retiendra surtout que les nouveaux morceaux sont prometteurs et que les anciens fonctionnent toujours aussi bien. A confirmer cet automne (23 novembre) à Zurich dans le cadre du Heaven Upside Down Tour.

Merci à Rock'Oz et à son programmateur Michel May pour la prise de risques (et avoir enterré la soirée electro au passage), ainsi qu'à Valentine du service de presse.